samedi 20 avril 2013

Ma sélection de mars 2013 pour iPagination



L’envers de la médaille 
Nous sommes tous des êtres pensants, vibrants, aimants, souffrants… Petite visite dans le dédale des coulisses humaines. 
Très jeune auteur, Tom nous livre ici une réflexion remarquable de par sa profondeur et sa maturité à propos des places et rôles du poète et de la poésie. Tout commentaire serait superflu.
« Les poètes ne sont pas, comme on le croirait volontiers, au service de la poésie, mais à celui des hommes. Eux-mêmes hommes, parmi les hommes, ils n’ont rien d’exceptionnel, sinon leur amour du Verbe. Alors, le poète, comme le dit Eluard, est plus celui qui inspire, que celui qui est inspiré.
Le poète utilise la langue générale et commune pour dire le Singulier, universellement.
Le poète est un guide. Le poète est un prophète. C’est un proète. » 
Virée sombre à Pigalle, par Eric le Forestier
Ce texte, j'ai pas réussi à le lire, c'est la voix de Gabin qui s'est imposée et qui me l'a fourré dans l'esgourde (pour reprendre un peu le style de l'auteur). Y a du vocabulaire pour sûr, y a de l'ambiance aussi, comme une fenêtre qui s'ouvre l'espace d'un instant sur le cru du passé. Et pis, y a la conclusion, de portée universelle, qui hisse le texte encore plus haut.
« Pigalle, vous voulez que je vous dise, c’est plus ce que c’était. Entre bonniche avenue du Bois et mondaine rupine, vedettariat grand écran, diams et calèches, tu choisis vite. » 
La Montre, par AgathaNelle
Ecrit à l'occasion des "24 heures d'écriture", ce texte surprend de par sa précision et sa chute. Très cher argent qui nous fait commettre bien des faux pas... 
Nos unités démesurées, par Fanny Houet
Un texte typiquement introspectif qui décrit très bien les douleurs physiques, affectives et morales inhérente à une relation de type fusionnel.
« Nous deux, ça a commencé là où tout aurait dû s'arrêter.
Moins notre histoire a de sens et plus on y croit.
Vas-t'en, tu me manques quand tu es trop près. »

Ma sélection de fév. 2013 pour iPagination


Un grain, par David Ajchenbaum
Voici l’un des tout premiers textes que David Ajchenbaum a posté sur iPagination, faisant ainsi une entrée fracassante sur le site. Avec brio, l’auteur se penche sur la condition d’un grain de sable tout en y associant quelques souvenirs d’enfance.
« C’est vicieux comme ça un grain de sable, c’est méchant, hargneux, ça possède tous les défauts qu’on associe généralement à ceux qui, comme lui, sont petits et secs, ça correspond à un cliché physique un grain de sable, ça compense un manque quasi-total d’aptitudes physiques par une violence psychologique inimaginable, à quoi s’ajoutent l’ennui, la frustration, ça n’a pas le choix, un grain de sable, toutes les vacances c’est au bord de la mer, broyé et rebroyé par les vagues, encroûté de sel, brûlé par le soleil, sans connaître jamais de plaisir sexuel… » 
Un enfant souhaite de toutes ses forces réaliser une expérience : tuer. Par ailleurs, deux personnes proches de lui trouvent la mort sous ses yeux. Simple concours de circonstances ? Tours et détours d’une âme frustrée que la faucheuse lui ait damé le pion. Digressions introspectives soutenues par une écriture détaillée, froide à souhait, épicée d’humour noir, sillonnant sans aucune pudeur les territoires du sexe et de la mort.
1- « Le vrai point noir était mon intérêt tout relatif pour le sexe. Pour être franc, je crois que je n’en ai jamais rien eu à foutre. »
« Pouvoir décider que tout allait changer, que, pour le restant de ma vie, je serais quelqu’un qui aurait tué, devoir vivre avec la culpabilité et la peur panique de me faire prendre même quand le risque sera nul. »
2- Ce texte fait suite à « La vocation sans le talent » - 1.
L’insistance d'Emilie, frustrée et vexée de me voir si peu entreprenant après trois mois de relation, m'a relancé. Pour lui faire plaisir, j'ai perdu ma virginité. Pour être tout à fait honnête, je le faisais aussi pour moi.
Emilie m'a quitté plusieurs fois, après cette première nuit, d'abord sous divers prétextes, puis en me disant la vérité : elle me jetait à cause du sexe. Elle est toujours revenue. Je n'ai jamais cherché à la retenir, je n'ai jamais cherché à la reconquérir, pas par indifférence, pas par orgueil, plutôt par fatigue et par fatalisme. 
Vue sur mer #2, par Jones
D'un côté ou de l'autre de la frontière, c'est toujours la même guerre : avant d'être vécue, elle en a enthousiasmé plus d'un. Des hommes morflent, se souviennent, s'appliquent, se désespèrent. En quelques paragraphes, Jones évoque les deux guerres, sans étalage sanglant, sans objectif didactique non plus, juste quelques mots déposés comme des taches de peinture pour guider le lecteur. Dans l’attente des bombes, un homme réfléchit, soutenu par la présence de la nature : « La mer se confond avec la fin d’un monde ou peut-être le commencement d’un autre. » ou bien : « Je suis parti parce que mon père ne pouvait rien contre tout ce qui restait enfermé en lui. » 
La Saint-Valendingue, par Zibelyne
Drôle dans sa tête, drôle dans ses mots, Zib nous livre, à l’occasion de la Saint-Valentin, un joyau d’écriture. Vous voulez du sexe ? En voici en voilà ! Ce tableau hilarant n’a toutefois rien d’extravagant. Dans le cas présent (il s’agit d’une fiction, on est bien d’accord), il sert de toile de fond à des guéguerres sans fin : celle des ouvriers contre le patronat mais aussi celle des femmes contre les hommes.
« Assister à la déchéance de son patron est intéressant… J’en éprouve une certaine satisfaction que je masque en baissant mon regard vers son Bernard Lhermitte* dépressif… Je sens le gâteau fraîchement démoulé… Je sais qu’il ne pourra pas résister. » 

Ma sélection de janv. 2013 pour iPagination


Petites gens au quotidien

Trois gouttes de liquide vaisselle, quelques petits pois qui roulent, une toile cirée que l’on devine arrachée par le temps, les années qui passent, les ailleurs qui se ratatinent et le désespoir qui prend la main. Morosité d’une existence repliée sur elle-même.
« La fenêtre de la cuisine l’observe comme la lucarne de sa prison. »
Maria at 130110, par Durandal
Elles n’avaient peu ou pas de famille, étaient souvent vieilles filles. Jeunes, elles entraient au service d’un patron : « Sa famille était la nôtre. » Sa présence rassurait petits et grands : « Rien ne pouvait nous arriver, Maria était là. » Magie de ces êtres qui donnent l’affection qu’ils n’ont pas reçue : « Elle se réjouissait de notre bonheur. » Epanouissement d’une existence offerte aux autres.
Le jour de l’Everest, par Christian Carpentier
Dès les premières lignes, l'on croit à une étude de mœurs mais cela ne dure pas. Puis le lecteur est convaincu d'avoir accès au secret de quelque couchaillerie mais il n'en est rien non plus. Finalement, C'est sur le chemin d'un Everest bien particulier que se jouera le destin d'un couple. Absolument fabuleux.
« Elle est de la race des locataires, de ceux qui louent une part de vie pour s'éviter d'en construire une… »  
Le Scribe de Schaarbeek, par MathieuZeugma
A ce jour, Mathieu a posté 16 chapitres de cette histoire.
D’un côté il y a les riches (on les compte sur les doigts d’une main) et de l’autre, les pauvres (et ils sont légion). Un cri de révolte : chômage, misère, prostitution, injustice, grands monopoles.
L’auteur a inséré dans son récit des passages en alexandrins et cette alternance de style contemporain sur fond de tragédie classique est du meilleur effet :
« De la gamelle plastique faire sauter l'opercule,
Pour déverser ensuite la bouillie dans l'assiette
C'est le gavage des pauvres, et j'avale cette mixture
Le pauvre on le soulage, le riche on le guérit
C’est ce que se dit Karim en préparant sa bombe
Chassé comme un malpropre au nom du bénéfice... »
Avec un faible pour les chapitres 1, 5, 10
veronique.bresil@yahoo.fr

Ma sélection de déc. 2012 pour iPagination



Si Mathieu souhaitait se reconvertir, il pourrait aisément exploiter la filière touristique en créant sa propre ligne éditoriale. Il saurait dépasser les caractéristiques techniques et indiscutables des Guides Verts et amuser ses lecteurs par quelques anecdotes personnelles non dépourvues de subjectivité. Bravo pour ce match à rebondissement qui donne la victoire à la région de… On ne va quand même pas tout vous dire, allez donc découvrir le résultat final dans le texte. 
La boîte grise, par Fanny Houet 
Bien que posté par l’auteure en juillet 2012, ce texte conserve la force et l’émotion liées à la disparition d’un proche. Pas de larme ici, juste une angoisse immense, celle d’affronter les objets familiers ayant appartenu au défunt avec le risque de recevoir en pleine face leurs charges symboliques. Encore une histoire de match : la rencontre avec « avant » se révèlera-t-elle épouvantable ou pas ? Qui gagnera ? L’auteure pose la question ouvertement. J’ai ma petite idée sur le sujet. Et vous ? 
Ataraxie 1, Ataraxie 2 et Ataraxie 3 par Thierry Ledru 
Encore un combat dans ces lignes violentes, celui de la vie contre la mort, celui de l’amour contre l’absurde. L’auteur nous livre des extraits de son roman du même nom, « Ataraxie », qui à mon sens, mérite bien mieux qu’une sélection du mois.
Lisez aussi le parcours personnel de Thierry Ledru et vous comprendrez la force et la rage qui émanent de ses mots.

Ma sélection de nov. 2012 pour iPagination


Une sélection placée sous la houlette des rencontres, des bonheurs, des séparations et des tourments.
Bribe de souvenir, par Aliza Claude Lahav
Aliza écrit comme on pose des papillons sur un champ de fleurs. Très vite, les papillons s’envolent vers d’autres cieux, oubliant les fleurs. Quand je lis ses écrits, j’en oublie bien vite ses mots. Ils ont juste servi de vecteur pour m’inviter dans la bulle d’émotions de l’auteure : empreintes muettes, chargées et douloureuses. 
Le petit chemin en bas de chez moi, par Une encre noire
Encore un texte dont les mots savent vite se faire oublier. Reste une impression de flou, décrite avec quantité de petits détails (une belle utilisation du contraste, c’est tout un art) prenant pour point de départ des gouttelettes de pluie. La pluie invite à sortir, sortir amène une rencontre, la rencontre déclenche un sourire, le sourire engendre le bonheur et le bonheur rentre chez lui, sous la pluie. La pluie aurait pu amener des idées noires. Ce n’est pas le cas. Ici, la pluie a été magnifiée (encore un contraste) et il s’agit d’un écrit foncièrement positif. 
Voilà, c’est fini, par Café-Clope
Ou comment remuer le couteau dans une plaie toujours vive jusqu’à en faire jaillir des torrents de bile, d’amertume et de larmes. Ou comment le souvenir de moments que l’on croyait uniques et sublimes peut se transformer, à la lumière d’un nouvel élément, en vrai cauchemar. L’auteur parvient à s’épancher sans chercher à se faire plaindre. Le processus d’identification entre lecteur et auteur fonctionne à la perfection. 
Deux histoires pour le prix d’une ! Tout d’abord, une complicité hors pair entre un grand-père et sa petite-fille sur fond d’Irlande. Ensuite et en même temps à la fois, une histoire de fées. Le tout assorti d’une morale : « Ne parle pas à tort et à travers de ce que tu ne connais pas, du moins pas encore. » Une écriture fluide et très couleur locale.
veronique.bresil@yahoo.fr

Ma sélection d'oct. 2012 pour iPagination



Jones : Eternal life 
Avec son style bien à lui, un style éternel, Jones repense à cet été-là, à cette façon qu'elle a eu de le manger sans rien lui dire.
Extraits :
La musique grimpait, folle enluminure, patiente et colorée, creusait des nefs dans l'habitacle, m’ouvrait le ciel. Je pouvais la voir monter dans les airs, redescendre, se transformer en eau claire, en étoile filante.
Michele Lallee-Lenders : L'anniversaire d'une mort annoncée… 
Ah ! Si Michele pouvait nous conter l’Histoire de France, cela remplirait des amphis tout entiers. Une lecture très fluide, malgré la gravité du thème, qui propose un regard intérieur sur les dernières heures de l’épouse de Louis XVI. 
Extraits 
Je vous embrasse de tout mon cœur, ainsi que ces pauvres et chers enfants. Mon Dieu ! Qu'il est déchirant de les quitter pour toujours. Adieu, adieu.
Messieurs, je voudrais me changer, pouvez-vous vous retourner ?
Le peuple de Paris est venu, silencieux, les hommes se découvrent sur son passage.

Ma sélection de sept. 2012 pour iPagination



Plume : Au marché (texte revu) 
Un regard d’enfant sur son quotidien et tout à coup, l’horreur.
Extraits :
Je savais qu'un jour ou l'autre, dans quelques années, je serais la poissonnière du marché. Je m'y voyais déjà, un tablier blanc autour de la taille, les cheveux attachés comme ma mère, proposant aux passants ma belle marchandise, fraîche et appétissante.
J'ai eu la chance d'avoir des parents amoureux. Elle était son rayon de soleil, sa sève sucrée, sa muse, son âme sœur. Aujourd'hui encore, mes souvenirs d'enfant sont empreints de cet amour véritable.

Java : C’était un de ces putains de matins difficiles 
Non content de nous froudroyer par le réalisme de ses mots, Java nous réserve une chute vertigineuse. Le phénomène d’identification entre auteur et lecteur fonctionne parfaitement, il n’y a qu’à voir les commentaires. 
Extraits :
C'était un de ces putains de matins difficiles, où malgré la douche au jet inégal, je n'arrivais pas à prendre possession de mon corps. Je veux dire qu'il faisait son taf, mais sans moi. J'ai même été tenté d'aller voir si je ne dormais pas encore dans ma chambre, une sorte de rêve quoi ?
C'était un de ces putains de matins difficiles, un de ces petits matins frileux que j'ai pris en pleine poire dès la porte de l'immeuble fermée derrière moi.

Liliane Collignon : Tableau le plus incompris de la peinture contemporaine 
Un article qui traite de l’un des plus énigmatiques tableaux de Kandinsky et qui résume, d’une certaine façon, le travail et les recherches de Liliane Collignon. 
Extraits :  
Une image singulière ne peut pas apparaître comme une concentration de toute la quête du peintre ; chaque figure doit être reliée à ses voisines et à la structure sous-jacente. Cette démarche peut être comparée à celle d'isoler un mot d'une phrase; quelle compréhension pourrions-nous avoir, alors, du sens général du message ?
La langue parlée ou le langage pictural est compris comme un système de signes.
Le bleu de Mallarmé est un abîme de néant, celui de Malevitch, l'emblème de l'absence, pour Kandinsky, il est la couleur céleste, pleine de promesses et d'espoirs, ne l'oublions pas.
veronique.bresil@yahoo.fr

Mes sélections mensuelles pour iPagination


De façon générale, mes sélections pour iPagination concernent soit des textes postés au cours du mois concerné, soit des textes que j’ai découverts pendant ce mois mais postés antérieurement, soit des textes plus anciens qui me tiennent vraiment à cœur.
À préciser aussi que ce choix ne dépend pas de l’ancienneté des auteurs pas plus que de leur éventuelle implication dans la vie du site et encore moins des affinités personnelles qui pourraient exister avec l’un ou l’autre en particulier.
La première vertu que je reconnais à une écriture est sa fluidité : celle des mots, celle des phrases, celle des idées. J’aime cette notion de fluidité, j’aime lorsque mon regard glisse d’une ligne à l’autre, sans faux pas.
La seconde vertu d’une écriture est son aptitude à provoquer un voyage, peu importe lequel. Si l’espace d’un instant j’en oublie le boire, le manger et l’heure, alors l’auteur a remporté une manche. Certains d’entre eux ont l’art de me faire tourner la tête en ne parlant de rien mais avec tact : c’est le summum !
Enfin, la troisième vertu d’une écriture concerne sa charge émotionnelle. Dans ce cas, il s’agit d’une rencontre entre deux sensibilités et toute tentative d’explication serait hors de propos.
Dans les faits, il arrive très souvent qu’un écrit soit victime de quelques accidents de parcours mais croyez-moi, lorsque l’auteur s’applique à les remodeler, cela donne naissance à un véritable petit bijou…